Les forêts et les avalanches de la vallée de Conches en Valais
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Les forêts et les avalanches de la vallée de Conches en Valais

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Par Ani. de Torrente ( section du Mont-Rose ).

Les forêts et les avalanches de la vallée de Conches en Valais La vallée de Conches située à l' extrémité orientale de la vallée du Rhône est le berceau de ce jeune fleuve; c' est dans sa plaine que celui-ci commence ses premiers ébats d' une manière assez inoffensive sillonnant en contours les vertes prairies — jusqu' à réception de quelques affluents; alors il essaye ses forces érosives en rongeant le „ thalweg " au moment de quitter le bassin où il a pris naissance.

L' œil du voyageur arrivant dans cette fraîche vallée par la Furka, la Grimsel, la Nufenen ou le Gries est agréablement impressionné par l' aspect d' un pays bien cultivé; nulle part des terrains ravagés, partout le regard se repose sur la verdure: en plaine les prairies, plus haut les champs, puis les forêts couvrant les deux flancs de montagnes; au dessus, les riches alpages qui sont enfin dominés par une grande ceinture de glaciers touchant l' Italie et le » cantons de Berne, d' Uri et du Tessin.

C' est l' état des forêts de cette partie du Valais que je me propose de vous faire connaître d' une manière plus détaillée; mais avant de vous en entretenir, il est bon que nous fassions préalablement et sommairement connaissance des habitants de cette intéressante vallée.

Le Valais compte treize districts dont Conches en forme un avec 4348 habitants, disséminés dans un grand nombre de villages composant en tout 21 communes sur une longueur de 28 km.

Cette organisation civile en autant de petite » communes dénote qu' il y règne un esprit d' indépen, chaque petit hameau veut avoir son administration, la centralisation n' est pas leur affaire; mais cette division administrative multiple ne nuit-elle pas à l' exécution des intérêts publics?

Il est de fait que cette division en petites communes présente des inconvénients qui vont en s' agran à mesure que les hommes entendus aux affaires publiques deviennent rares. Mais en Conches l' admini d' une commune est à peu près celle d' une famille, de manière que la marche étant toujours la même on finit par y être habitué.

Les Conchards ont l' esprit d' indépendance bien développé, ce caractère provient des luttes continuelle » qu' ils eurent à supporter déjà au moyen-âge contre les seigneurs étrangers et indigènes.

A l' époque où le Valais fut envahi par les Français dans les années 1798-1799, c' est en Conches que s' organisa la première troupe, qui entraîna ensuite les autres districts du Haut-Valais pour combattre l' ennemi à Sion, à Morges, à Martigny et au bois de Finges.

La population est vigoureuse, intelligente, très attachée aux vieux usages sans être superstitieuse, peu sédentaire; on trouve des Conchards dans tous les pays. Leur principale occupation est l' agriculture avec l' élevage du bétail qu' elle vend principalement aux Italiens; moins important est le commerce des fromages.

Les femmes présentent un beau type de santé; elles sont gaies et aiment à chanter et à jodler. Ce sexe porte un costume modernisé et met une certaine coquetterie à garnir les bords des fenêtres de vases à fleurs où domine l' œillet, derrière lesquelles on voit des rideaux blancs qui se détachent agréablement sur les maisons en bois de mélèzes brunis par le temps.

Cette décoration extérieure des maisons indique aussi une certaine propreté dans l' intérieur.

Les villages disséminés sur les deux rives du Rhône sont essentiellement protégés par les forêts et c' est à ce rôle de protection que cette vallée doit d' être restée des mieux boisées du Valais, ainsi qu' à son éloignement du marché des bois. Cependant le commerce, malgré la grande distance, a néanmoins fait une invasion dans cette vallée à la fin du siècle dernier en dénudant le petit vallon latéral de Geren, qui s' est transformé immédiatement en désert et qui encore aujourd'hui peut servir d' exemple des suites funestes d' un déboisement.

Le canton du Valais fut doté d' une loi forestière en 1850 et son application commença en 1855 par l' organisation d' une administration forestière composée d' un personnel très restreint et hors de proportion avec la grande étendue des forêts à administrer. Successivement elle se compléta et aujourd'hui elle est divisée en 5 arrondissements forestiers.

Les 2,a des forêts appartiennent aux communes, le il% aux consortages, une surface minime aux particuliers; l' Etat n' en possède point. Les forêts en Conches sont réparties dans les mêmes proportions; on y compte 5000 hectares de surface forestière.

L' introduction de la loi forestière dans le district de Conches ne rencontra pas trop de difficultés, parce que le sentiment de la conservation des forêts est entré dans les mœurs du pays à cause du rôle important de protection qu' elles exercent contre les avalanches et de l' approvisionnement des bois de construction dont on fait une consommation considérable et des bois d' affouage pour les longs mois d' hiver.

Les forêts, généralement peuplées de mélèzes et d' épicéas, sont situées entre 1300 et 2100 m d' altitude. Leur végétation est vigoureuse et dans plusieurs forêts on admire encore des exemplaires de mélèze qui ont atteint des dimensions vraiment extraordinaires.

Les coupes annuelles sont assises en forme de jardinage en enlevant à mesure les plantes âgées et dépérissantes. Dans ces exploitations de bois les forestiers communaux ont soin de ne pas produire des clairières afin de conserver les forêts en état régulièrement boisé.

Le transport des bois se fait encore d' une manière fort primitive et nuisible; au lieu de descendre les billes et rondins sur des traîneaux, on les dévalle tout simplement par des couloirs qui s' approfondissent, s' élargissent et se transforment ainsi en ravines.

Mais en suite des plans d' aménagement provisoires établis pour la plupart des communes, les coupe » annuelles, le transport des bois et la régularisation des parcours entrent dans une phase d' économie forestière progressive accentuée. De nombreux torrents descendent des glaciers qui entourent la vallée et leur action erosive a formé, à des distances presque régulières, des vallons latéraux où les forêts, sur de grandes surfaces, ont du céder le terrain aux avalanches.

Dans plusieurs endroits il y a des avalanches qui partent du sommet de la montagne roulant jusqu' en plaine au bord du Rhône où elles amoncellent des masses de neige considérables au point de barrer toute circulation.

Des villages même ont été emportés. En 1720 le village d' Obergesteln a été balayé presqu' entière ment et perdit dans cette catastrophe 88 personnes; mais le malheur ne s' arrêta pas là: l' avalanche, après avoir traversé la plaine, barra le Rhône qui inonda la partie en amont et durant cette inondation, le même jour, le feu éclata dans la partie du village épargné et sur tout l' emplacement d' une commune heureuse, quelques moments auparavant, il ne resta plus qu' un monceau de ruines causées par une dévastation de trois éléments différents déchaînés presqu' en même temps! De même Biel et Selkingen furent ensevelis en 1827 sous une avalanche où 51 personnes trouvèrent la mort.

Plusieurs villages sont protégés par les forêts bannisées, mais cette protection perd son efficacité par l' ancien usage erroné de conserver ces forêts intactes de la hache, de manière que leur peuplement, sans jamais être rajeuni, finit par être composé d' arbres dépérissants et tarés n' offrant plus une résistance suffisante aux coups de vent et aux avalanches. C' est dans cette situation que se trouvent actuellement les villages de Niederwald et de Liddes. Grâce à l' initiative de l' Administration forestière fédérale, on a commencé à faire des travaux de défense contre les avalanches. En Valais on en a exécuté avec succès dans 8 communes. Ces travaux consistent principalement en maçonnerie et en pilotis. L' essentiel pour asseoir ces travaux est de bien découvrir les points du départ ou de la rupture de la neige, car il ne s' agit pas de faire des travaux de résistance, ils seraient toujours trop faibles, mais d' y construire des obstacles de manière à empêcher le premier glissement.

Lorsque le terrain est assez profond pour permettre d' y enfoncer des pilots, on préfère, en raison du coût moins élevé, établir des lignes brisées en pilotis disposées entre elles en quinconce. Les pilots ont ordinairement l,5 m de longueur; on les enfonce, selon la nature du sol, jusqu' à 0,80cm de profondeur et la distance dans la ligne est d' environ 60om. Les lignes se construisent plus rapprochées à mesure que le terrain devient plus incliné. Les travaux en pilotis s' exécutent dans la région où le reboisement « st possible; car il ^est indispensable de faire des plantations entre les lignes, afin que les pilots, qui « ont exposés à pourrir, soient remplacés par les jeunes arbres.

Les travaux en maçonnerie deviennent nécessaires dans la région où le reboisement n' est plus exécutable. Leurs lignes s' établissent d' après le même mode que pour le pilotage. Les murs dépassent en moyenne d' un mètre le niveau du sol en amont et mesurent à la base une épaisseur de lm à l,20 m et à la couronne 60 à 70cm.

Conpe d' an mnr de défense contre les avalanches.

La face intérieure est verticale et la face extérieure a un talus de 5°/o. Le fondement doit 22 e*. légèrement s' incliner vers la montagne pour offrir une base plus solide.

Comme les villages ^Obergesteln et deGesc/iene« étaient les plus exposés aux surprises du terrible dévastateur, l' attention de l' Administration forestière se porta sur les pentes dénudées qui dominent les dits villages et les travaux s' exécutèrent sous l' habile direction de l' ingénieur Zen-Ruffinen, dans les années. 1877 et 1878.

Au dessus d' Obergesteln l' emplacement des travaux de défense a été choisi à Oberbord à l' altitude d' environ 2200m.

Ils consistent en murs secs cubant 720 m8 et en 5000 pilots. Le coût total s' élève à frs. 7160.

Au-dessus de Gesehenen, à l' endroit appelé „ Schuttlärchen " à l' altitude 2041 m, les travaux de défense sont aussi établis en maçonnerie cubant 758 mS et en pilotis composé de 1510 pilots. Le coût total s' élève à frs. 6008. 68.

Aux travaux de défense ont succédé les cultures forestières, qui consistent en des plantations de mélèzes et d' épicéas en état mixte, de manière que les murs et les pilotis seront renforcés avec le temps par une forêt.

L' exécution de ces travaux a été encouragée et rendue possible par les subsides fédéraux et par un legs de Mr. Escher de la Linth. Cet homme généreux et humanitaire a bien voulu affecter une somme de frs. 15 000 pour le reboisement des montagnes à. répartir entre trois cantons, et le Valais que Mr. Escher de la Linth connaissait à fond comme géologue, i „ TIjjj reçut aussi la faveur d' une allocation pour les travaux de Gesehenen. En souvenir de cette générosité, la montagne de Schuttlärchen, située entre Münster et Gesehenen, formant une pyramide isolée et où sont exécutés les travaux de défense, a reçu le nom d' nEscherwaldu.

Le reboisement de nos montagnes et leur consolidation étaient le corollaire du diguement du Rhône, ces travaux resteront toujours là comme un monument impérissable de la solidarité et de la con- fraternité fédérales.

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