Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
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Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses

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RAPPORTS ANNUELS

créés en 1880 par f F.A. F OREL.

CXXYJ. La pression des bulles gazeuses incluses dans le glacier.

». J.P. Koch et A. Wegener, hivernant à Borg ( Groenland nord-oriental, 75° de latitude N. environ ) en 1912 —1913, ont, à la suite de quelques mesures ingénieuses mais un peu sommaires, cru pouvoir affirmer que les bulles d' air emprisonnées dans la glace de l' inlandsis y étaient sous des pressions de l' ordre de 10 atmosphères. Il s' agissait, en l' espèce, de glace prise sous leur cabane à 7 mètres de profondeur et à des températures inférieures à — 10°.

La substance glaciaire serait donc soumise à des efforts d' expansion! Ce fait, s' il s' avérait général, conduirait aussitôt à des vues nouvelles sur les variations saisonnières de l' écoulement des glaciers, sur la destruction des icebergs et peut-être sur l' épaisseur même des inlandsis. J' ai donc cherché à le vérifier sur un glacier alpin, d' autant plus que les mesures des distingués explorateurs grœnlandais ne sont pas absolument à l' abri de toute critique. La recherche exige en effet qu' on détermine exactement, à une température connue, la densité de l' échantillon bulleux. On déduit de cette densité, en se basant sur celle, connue, de la glace pure, le volume total des gaz inclus sous la pression cherchée. Si celle-ci est forte une erreur sur la densité peut entraîner une erreur décuple sur la pression. C' est pourquoi, sur la foi des résultats grœnlandais, j' ai porté mon effort principal sur la détermination exacte de la densité. En réalité l' approximation atteinte, 10-4, s' est trouvée super- flue, la faible masse d' air recueillie avant réduit considérablement la précision de la mesure du deuxième élément à déterminer, savoir le volume des gaz dégage sous une pression et une température connues également, par la fusion de l' échan. Cet ensemble de déterminations permet de calculer la pression gazeuse dans la glace par l' équation de Clapeyron; l'on me permettra de ne pas insister là-dessus.

Les expériences ont été faites à Orsières, le 17 mars 1917, avec l' aide obligeante et entendue de Mlle Alice Morel, pharmacienne à Vevey. La glace provenait du front du glacier en crue de Saleinaz ( 1600 m ), où nous l' avions prélevée la veille. Le mode opératoire était le suivant:

Un morceau de glace d' une centaine de grammes était pesé d' abord dans l' air libre puis dans du pétrole de densité connue. ( Ces pesées ont toutes été faites de nuit et température inférieure à zéro. ) Immédiatement après le bloc était porté dans un local chauffé et introduit dans l' ouverture, évasée en entonnoir, d' une burette graduée étroite, retournée et dressée au-dessus d' un baquet d' eau et remplie à peu près jusqu' en haut de ce liquide. Le bloc en fondant laissait échapper ses bulles qui s' élevaient dans la burette en en chassant peu à peu l' eau. On avait lu le niveau initial de celle-ci, on lisait conjointement son niveau final, la hauteur de la colonne liquide, la température du dispositif et le baromètre. Ces lectures parfaisaient l' ensemble des données nécessaires au calcul de la pression gazeuse dans la glace.

La glace était de deux sortes, l' une bulleuse, l' autre compacte. On avait détache les échantillons de parois abritées autant que possible de l' insolation. Toutefois il n' est pas certain que tel ou tel bloc n' ait pas subi antérieurement l' influence de cet agent, qui a pu peutetre, en agrandissant les logettes où les gaz sont enclos, quelque peu amoindrir la pression de ceux-ci. Il faudrait pouvoir expérimenter, comme Koch et Wegener l' ont fait, sur de la glace qui n' a pas vu le jour.

Bulleuse ou non, la glace étudiée renfermait en réalité beaucoup moins d' air que nous ne nous y attendions. De ce fait la mesure des volumes dégagés n' a pas eu la précision escomptée; son approximation n' a pas dépassé 1 O/o tandis que celle des déterminations de densité atteignait O.o/o. En outre une cause d' incertitude intervient, qu' on ne pourra écarter qu' en changeant la méthode d' extraction des gaz: l' eau de fusion redissout partiellement l' air dégagé, spécialement celui des petites bulles, de sorte que la quantité recueillie ne représente qu' une fraction de la teneur gazeuse de la glace. Si l'on admet, hypothèse plausible, que cette résorption atteint jusqu' aux 2/s de la saturation de l' eau en air, cela change notablement les résultats. Remarquons d' ailleurs que la même cause affecte aussi les déterminations de Borg-. Il n' est pas possible de savoir le taux exact de la résorption dans nos expériences; c' est pourquoi et en attendant de nouvelles recherches par une méthode plus précise, je trois devoir donner ici nos résultats dans la double hypothèse d' une résorption nulle et d' une résorption aux ä/a de la saturation gazeuse de l' eau.

Glace huileuse.

Glace compacte.

No Densité Pression à 0 ° en atm.

Résorption nulle Résorption aux !/3 de la saturation II V VII TX 0.8866 0.8563 0.8887 0.8753 0.9 0.4 0.7 0.8 2.3 0.6 1.2 1.1 Moy.

0.8802 0.7 1.3 No Densité Pression à 0° en atm.

Résorption nulle Résorption aux*A delà saturation IV VI VIII X 0.9080 0.9013 0.9105 0.9050 0.6 0.6 0.4 0.6 2.0 1.0 2.1 1.6 Moy.

0.9059 0.6 1.7 Si l'on néglige la résorption, il semble qu' il y ait un léger déficit par rapport à la pression atmosphérique normale au front du glacier ( 0.8 atm.en en tenant compte il y aurait au contraire une surpression d' environ 100 %. La vérité est entre deux sans doute, mais nous voici loin en tout cas des grandes surpressions de Borg. En appliquant les mêmes taux de résorption à ces dernières expériences on trouve en effet:

Pression à 0° en atm, L' écart reste considérable. De nouvelles recherches Résorption nalle Résorption aux */3 de la saturation 8.5 10!2 11.2 12.5 sont impérieusement nécessaires pour élucider s' il provient d' une erreur ou d' une réelle différence entre l' état des glaces relativement superficielles et chaudes de Saleinaz ou de celles déjà profondes et beaucoup plus froides de l' inlandsis grœnlandais à Borg.

Je remercie ici en tei' minant MM. Koch et Wegener qui ont bien voulu me communiquer les détails encore inédits de leurs suggestives expériences. P.L. M.

CXXYII. L' enneigement des Alpes suisses en 1917.

L' hiver 1916 à 1917 a été remarquablement neigeux dans la haute montagne. Un peu partout d' ailleurs en Suisse les précipitations ont dépassé la normale; certains mois l' exagération a été énorme, ainsi en novembre et décembre 1916 et en mars et avril 1917. Cet enneigement épais et persistant a valu aux skieurs un enviable hiver sportif, mais il a abouti, au premier printemps, à de désastreuses avalanches qui ont semé ruines et deuils dans les populations de nos Alpes, centrales et orientales notamment.

L' été 1917 fut au contraire très ensoleillé; juin, juillet et septembre en particulier. En conséquence le désenneigement estival, a été rapide et intense; la limite du névé est remontée fortement et chez beaucoup de glaciers il s' est produit un retour offensif de la décrue.

Suisse orientale et nord-orientale. Notre fidèle collaborateur, M. Frauenfelder, de Schaffhouse, a trouvé, à la fin de juillet, le massif de l' Albula très désenneigé au-dessous de 2800 m, très enneigé au-dessus.

Les journaux ont relaté d' autre part les détails des graves accidents d' avalanche survenus: le 3 avril aux chalets de Palli ( 1333 m ) dans le val Medels, où le fléau a tué un interné allemand et beaucoup de bétail, en démolissant cinq granges; le 29 avril près de Davos où, au lieu dit „ le Höhwald ", un train de voyageurs a été emporté et partiellement écrasé par l' avalanche, rarement dangereuse pourtant, de la Drusatscha qui n' était pas descendue jusqu' au lac de Davos depuis 1892. Il y a eu dix morts, des blessés et de graves dégâts matériels.

M. Jacob Hess, du Bureau météorologique central à Zurich, a recueilli une foule de renseignements intéressants sur l' enneigement des Alpes de Flums [St-Gall] et des Grisons centraux. L' espace me fait malheureusement défaut pour les consigner ici et ils ne se laissent guère résumer: Du 15 au 27 juillet 1917 dans les Grisons la limite orographique des neiges était comprise entre 2600 et 2800 m suivant l' orientation. Le flanc méridional du Piz Suvretta était couvert de „ pénitents de neige " durs et saillants d' une vingtaine de cm. Le revêtement glacé avait là l1/« m d' épaisseur encore.

La limite du névé était à 2700 m au glacier du Silvretta le S septembre. Il subsistait des restes d' ava vers 1700 in sur l' Alpe Sardasca.

Suisse centrale. Le 22 avril des avalanches ont tué quatre person- nes dans la commune de Gurtnellen, et emporté 24 édifices. Le même jour une avalanche a enseveli le chalet de Joseph Huber, dans le val d' Erstfeld, tuant trois de ses habitants et du bétail Enfin une avalanche formidable, descendue du Zwölfihorn vers Elm, a intercepté sur une trentaine de mètres la route cantonale et la Sernft, détruisant cinq étables.

Le 28 mai 1917 il y avait près de 2 m de neige sur la glace des séracs du glacier de Biferten, à 2900 m.

Le 10 juin 1917 un endroit au pied du Twäriberg ( Alpes de Schwyz ) qui, l' année précédente à la même date était couvert de 4 mètres de neige, montrait une jolie floraison printanière. [J. Hess.] Le 8 juillet, à l' exception du Vrenelisgärtli, les sommets des Alpes glaronnaises étaient libres de neige. Le glacier du Glärnisch était découvert dès 2400 m. Dégâts forestiers très grands aussi dans le Gadmental.

Le 26 août il subsistait de petits névés au flanc sud de la vallée de l' Aar, au-dessus de l' Aarboden vers 2200 in. En, revanche on voyait déjà à 3000 m an glacier de l' Unteraar des plages désenneigées. Les rimaies étaient partout très ouvertes et surplombantes. [Leupin et P.L. M.] La rimaie du Tödi gênait beaucoup l' ascension de ce sommet.

Le 23 septembre 1917 un petit névé se rencontrait encore au pied du Rädertenstock, côté nord, dans le Wäggital.

Suisse méridionale. Nous sommes sans renseignements sur le désenneigement estival de cette région. L' enneigement excessif du premier printemps a provoqué comme partout ailleurs des avalanches dangereuses. A Piotta, à Brione, dans le Verzasca et la Léventine il y a eu de grands dégâts ruraux et forestiers.

Suisse occidentale. Le glacier du Rhône a rarement été si désenneigé en août. La grimpée vers le signal 83 [Ruhstein] se faisait sur le sol nu, ce qui n' avait pas été possible depuis 1ÜO8. Les rimaies béaient et souvent étaient doubles, au Thierthäli entr"autres, fait inusité. De telles doubles rimaies s' esquis aux flancs des Mutt-hörner aussi. [Leupin et P.L. M.] Les restes d' avalanches abondaient cependant le 24 août dans le vallon de Gletsch. Il y en avait un dans la gorge d' In den Lammen, un autre à l' endroit où le Rhône quitte le replat de Gletsch [cette avalanche avait partiellement détérioré la voie ferréeun troisième sous le Saas; trois autres au pied du Längisgrat et un dernier vers le pont du Muttbach. [P.L. M.] Le 4 août il subsistait une dizaine de névés au bord méridional du Lämmerboden, Gemmi. [P.L. M.] Le 14 août il restait un peu du cône de l' avalanche de Louvie, en aval des Granges-Neuves, sur la rive droite de la Dranse de Bagnes. Un autre se voyait en Bonatchisse, le 17.

Le 19 août tout le haut glacier de Giétroz était encore enneigé jusque sous le Mont Pleureur. Les corniches du Mont-Blanc de Seillon étaient très développées. La rimaie du glacier Duran, au col de Seillon, surplombait un peu. [P.L. M.] M. le D1' Thomas a trouvé, le 17 août, l' arête N des Diablons plus enneigée que jamais, et de vieille neige. Les couloirs de la face NW du Besso étaient très garnis. En revanche le couloir du Col de l' Allée était à nu.

Au sommet neigeux de la Pointe des Grands, il y avait une crevasse large et profonde, tout à fait insolite. [J. Guex.] Le 26 septembre 1917 il n' y avait plus que deux petits névés au fond de la Combe d' Orny, dans le recoin des Chevrettes; on en voyait un autre à 2405 m, au-dessus des Echelets. Le névé de la Jonction des sentiers, très dur, ne recouvrait plus que la rive droite de l' Eau d' Orny sans atteindre celle-ci ( 2455 m ). Il y avait trois petites flaques de neige au flanc des Chevrettes dominant le vallon en aval de la Cabane, un reste de névé durci près de celle-ci, mais plus rien dans la „ tine " ni entre le glacier et la grande moraine. Le vallon du lac seul avait encore de la neige.

La-grande moraine était dégagée très haut. On ne trouvait la neige continue que dans l' anse au pied de l' Aiguille d' Orny et à 3000 m il y avait encore de grandes plages glaciaires dénudées.

Les abords immédiats du nivomètre présentaient un aspect absolument extraordinaire et qu' ils n' avaient jamais eu depuis 1902 au moins: une rimaie, profonde de 9 mètres, large de plus de 2 mètres, s' étendait de l' est à l' ouest jusqu' à lui. Fig. 1. Au col d' Orny même de multiples crevasses dessinaient leurs arcs. Une fissure large d' un demi-mètre coupait la route du totalisateur. Celui-ci se dressait sur un roc tout à fait sec. La Pointe même d' Orny n' était plus revêtue de neige de ce côté-là. Quant à la „ soufflure " elle dressait sa falaise à quelque 13 mètres de la tour rocheuse qui lui fait face et à 8.5 m de hauteur. Le névé se prolongeait jusqu' à Tangle NW de la cabane par un amas assez haut. Fig. 2.

Les rimaies étaient partout très surplombantes; une double rimaie s' amorçait au flanc N de la Petite Fourche. En outre un immense pan de la lèvre de la rimaie ordinaire s' était détaché et avait glissé d' une cinquantaine de mètres vers l' aval, d' un seul bloc. [P.L. M.] Le massif des Diablerets était extrêmement désenneigé le 23 septembre. Près de la cabane on ne voyait plus que des traces de neige insignifiantes. La piste vers le glacier les esquivait presque toutes, sans détours. Les flancs de la Becca d' Audon étaient dénudés et les rimaies y béaient énormément. Le Scex Kouge était aussi très dégagé. Partout au bord du Tsanfleuron et sur les arêtes englaciées on voyait apparaître les couches grisâtres des neiges anciennes.

Une immense crevasse coupait en deux l' arête du Rasoir, au grand ennui des grimpeurs fourvoyés. Fig. 3. Les rimaies aux flancs de celui-ci surplombaient beaucoup aussi.

Les formidables amas de neige de 1916, au-dessus du nivomètre, avaient disparu et des crevasses se montraient où l'on n' en voyait pas en 1916.

L' arête neigeuse du sommet du Diableret était aussi recoupée d' une fissure transversale. L' arête rocheuse qui relie le totalisateur au sommet schisteux était en revanche absolument à sec. La „ haute route ", du Diableret au Rasoir, ét«it aussi découverte qu' en septembre 1904. La limite temporaire des neiges était dans tout le massif vers 3000 m. [P.L. M.] Mentionnons enfin qu' au „ Poil de Chien " sur Vuadens, 1350 m, il y avait encore le 23 avril If 18 cm de neige, en terrain plat et abrité du vent. [P.L. M.] Partout dans les Alpes la montée aux pâturages bas a été retardée; aux pâturages élevés elle a été avancée au contraire et cette avance a atteint une douzaine de jours.

B. Relevés nivométriques.

Région d' Orny. La campagne nivométrique habituelle a eu lieu les 26, 27 et 28 septembre 1917, par un très beau temps. Mües A. Morel et Calderara, M. Jean Briod et mon fidèle ami et collaborateur M. Edouard Correvon ( Jaman ) y ont pris part avec moi. Je les remercie ici chaleureusement de cette aide dévouée qui fait d' un travail scientifique parfois ardu un vrai plaisir toujours. La section Diablerets du C.A.S., qui veut bien recevoir notre petit groupe dans ses cabanes à titre gracieux et prend sa part des frais de transport du matériel nécessaire, ainsi que le C.A.S., qui depuis quelques années subventionne notre entreprise, méritent également que je leur en exprime ma reconnaissance à l' occasion de cette 15 me campagne annuelle. Enfin, je tiens à mentionner aussi la collaboration intelligente et désintéressée de nos gardiens de cabane, MM. M. et J. Joris, et du distingué guide Maurice Crettex, qui a bien voulu faire une course supplémentaire, le 2i juillet, pour prélever dans le totalisateur le liquide nécessaire au contrôle de son contenu par la voie chimique.

Nivomètre. Le tableau I en donne les lectures depuis 1915.

Nivomètre d' Orny ( 3100 m ).

Tableau I.

Degrés ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Degres Dates 1915 1916 1917 Dates 1915 1916 1917 28 III29 ( enfoui ) 1 VIII 2427 V26 217 13 VI 244 23 24 — 2323 6 21 — 16 2 VII29 ( enfoui ) 10 20 22 — 621 15 19 21 — 15 23 — 20 1716.5 17 — 29 — 1818 18 22 28 19 20 182218 28 17 20 — 24 — 27 17 2 IX 1726 23 26 16 12 — 19 — 28 2217 — 18.5 — 29 — 52 — 27 17 — 11 7 X 1812 — 191619Le dégagement de l' échelle est intervenu en 1917 bien plus tôt que l' année précédente. Le minimum automnal a été aussi beaucoup plus bas. Sans doute l' ablation particulièrement forte de la belle saison y a beaucoup contribué, mais l' examen des abords immédiats du nivomètre ne laisse aucun doute que le tasse- ment du collecteur glaciaire y a été pour davantage encore. Qu' on se reporte à la figure 1: à la création de l' instrument, en 1902, le niveau des neiges était plus bas et cependant nous n' avons vu nul vestige de crevasses pareilles; bien plus on n' en a pas observé de semblables lorsqu' en 1906 le désenneigement extrême obligea de prolonger sa graduation vers le bas jusqu' au n° 1. Le bilan nivométrique pour 1917 révèle un déficit de 4 mètres.

,,,,, Tr Accumulation Tableau II. mver mtr&a Dissipation EU Mitre » Bésidu annuel Automne Hêtres 1914—1915 4 1915—1916 > 6 1916—1917 >5 1915 3.5 1916 >5.2 1917 >9

1915 +0.5 1916 -j-°-8 1917 —4

L' affaissement de 1911 en avait occasionné un de 6.5 mètres.

Balise. Il était à craindre que l' engin de fortune installé sommairement le 17 septembre' 1916, sur l' emplacement de l' ancienne balise métallique désormais enfouie, n' eût pas résisté aux bourrasques hivernales. A ma grande joie cette perche est réapparue au début de l' été. Le 24 juillet elle émergeait de 1 m. Le 28 septembre elle saillait de 185 cm, inclinée de 56 ° sur la verticale, dans laquelle on l' avait placée. D' où l'on est en droit d' admettre un accroissement d' épaisseur de névé de ( 299—185 ) cos100 cm.

À Une nouvelle perche, longue de 392 cm, a été fichée le même jour dans le névé très dur, au même endroit. Elle saillait de 300 cm exactement. Cette balise porte un trait de scie, cerné de peinture rouge, tous les mètres, un trait rouge tous les 1Jî m et un point rouge tous les 1/i m; un svastika et le chiffre XVII y sont en outre sculptés. Elle s' inclinait, le 28 septembre, de 6° vers la cabane Dupuis et tie 6° vers le Col Copt.

Des mesures immédiates au théodolite, à partir du bloc de granit marqué d' une croix rouge qui soutient à l' angle nord-ouest le terrassement de la cabane, ont donné: Angle: balise-bloc-Chandelle du Portalet 153° 32' Distance: balise-bloc169.5 m Hauteur du bloc sur le point d' émergence de la balise 8.1 m J' avais fait de telles mesures en 1915 déjà puis en 1916, mais cette année là avec moins de précision: La surface de 1917 a été de O.a m plus haute que celle de 1915 et aurait été de 0.7 m plus basse que celle de 1916. L' affaissement du névé aurait donc compensé les deux tiers de l' accumulation résiduelle, de 1916 à 1917. Enfin, dans l' espoir qu' un prélèvement de névé à la sonde de Church pourrait se faire en 1918, on a étalé au tamis 1 kg d' ocre rouge au pied de la balise, sur 3 m2 environ.

Totalisateur. Cet appareil a donné pleine satisfaction en 1917, à ceci près que le 28 mars MM. Andreas et Schmid ( C.A.S. Diablerets ) en ont trouvé le contenu recouvert d' une vingtaine de centimètres d' un magma de glace et q^huile. Il faut, semble-t-il, renoncer à l' espoir d' éviter entièrement la congélation superficielle dans les totalisateurs. Nous avons pu nous rendre compte cependant que le noircissement de leurs parois, à l' extérieur, favorisait le retour à l' état liquide sous l' influence du soleil.

La pesée du contenu a eu lieu le 27 septembre, sans incident; une fois de plus, notre outillage a fait ses preuves de commodité et de sécurité. A la fin de l' opération nous avons ajouté à l' émulsion huileuse, trop lente à couler, un supplément, dûment pesé au préalable, d' eau très chaude. Cette pratique s' est révélée excellente pour accélérer et parfaire l' évacuation des dernières fractions du contenu pluviométrique.

Tous calculs faits, le totalisateur a recueilli du 17 septembre 1916 au 27 septembre 1917: 281.5 cm d' eau. D' autre part, M. Maurice Crettex avait prélevé, le 24 juillet, deux échantillons de la liqueur dont l' un au moins ( un accident avait détruit l' autre ce qui justifie bien qu' on remplisse chaque fois deux fioles distinctes ) a été analysé, en même temps que les prélèvements du 27 septembre par Mlle Morel, aux fins d' en déterminer la concentration saline par la méthode du professeur Mellet.

On me saura gré, je pense, de donner une fois dans ces Kapports la marche des calculs du contrôle chimique du contenu pluviométrique.Voici, dans le présent cas: Soient Pi le poids du contenu, le 24 juillet, et Ci sa concentration saline; Pi et Ci les mêmes éléments lors de la vidange, le 27 septembre. On avait Ci où Pi = x; Ci = 101 236h — 94 864 et Pi = poids net du liquidepoids des échantillons pris au même moment, Ici Pi = 68 279 gr d' où Px = 68 279 X ,9,fA6a4c = 63 977 gr 1U1 Zûb et Pi— Pi = 4302 gr emmagasinés du 24 VII au 27 IX 1917, soit 21.« cm d' eau.

Ce qui donne, en définitive, pour le Col d' Orny:

du 17 septembre 1916 jusqu' au 24 juillet 1917: 260 cm du 24 juillet 1917 jusqu' au 27 septembre 1917: 21.5 cm du 17 septembre 1916 jusqu' au 27 septembre 1917: 281.scm Ce chiffre est inférieur de quelque 88 cm à celui de l' année précédente.

Le totalisateur a reçu, le 27 septembre, une nouvelle charge de 6800 gr d' eau de neige, 60G0 gr de chlorure de calcium ( purissimum exsiccatum granulatum)1 ) et 440 gr d' huile de vaseline, en tout 13,300 gr de remplissage. La qualité supérieure du sel favorise le contrôle chimique sans être absolument indispensable pourvu que les impuretés d' un sel de qualité moindre ne renferment pas de chlorures. Un léger dépôt sableux, trouvé dans le totalisateur, s' est révélé, à l' analyse de M. Mellet, comme de carbonate de chaux. Il ne gêne aucunement le contrôle chimique qui se fait après filtrage.

Front du glacier d' Orny. Nous avons répété, le 26 septembre, les mesures de la distance au front, dans des azimuts déterminés, de certains repères fixes. Ces distances ont varié comme suit:

I — 5.8 m; II + 8.6 m; III -fo.iin; I.V + 6.8 m.

Il y a donc eu avance en I soit du milieu du front, et recul de sa partie gauche. Le 27 juillet nous avons fait un repérage stadimétrique du front du lobe droit sous le Portalet et l' avons photographié. Les clichés photogrammétriques usuels ont été pris de la grande moraine des Chevrettes.

Groupe nivométrique du Diableret.

La campagne a eu lieu le 23 septembre, par un temps d' une sérénité admirable. M. Gaschen, étudiant en sciences, et le guide Reber, des Diablerets, y ont participé avec moi.

Nivomètre. .'Cette échelle, comme celle d' Orny, a subi en 1917 un déchaussement considérable, marquant l' affaissement du glacier du Diableret. Voici ses trop rares lectures:

16 juin > 90 ( enfoui ) ( Reber ), 25 juillet 87.8 ( Lugeon et Dufour ), 28 août 82 ( Briod ), 23 septembre 78 ( Mercanton ).

y Le 24 septembre 1916 on lisait 87; la baisse a donc été àe4.5 m. En outre il y avait un divorce horizontal d' au moins 3 mètres entre la neige et le rocher.

Balise. Nous avons planté dans le glacier, à quelque 3050 m d' altitude, une perche de sapin, longue de 390 cm. Elle porté des traits rouges tous les 1/t mètres à partir de son sommet; un svastika et un XVII y sont sculptés aussi. La balise saillait de 300 cm exactement, le 23 septembre. 1 kg d' ocre rouge a été réparti autour de son pied.

Totalisateur ( 3250 m ). Cet engin qui s' était admirablement comporté pendant l' hiver, nous a affligés d' une grosse déception: au mois de juillet des touristes imbéciles ont forcé le robinet de vidange et fait écouler, pour „ se laver les mains ", une certaine quantité du liquide. Je n' ai été avisé de la chose qu' après la campagne d' automne, de telle sorte que non seulement tout le travail et le temps du contrôle ont été perdus, mais encore l' ascension faite par le guide Reber, le 16 juin, exprès pour prélever des échantillons, a été rendue vaine. La légèreté et l' ignorance coupables de quelques „ alpinards " ont ainsi occasionné des pertes se chiffrant par plus d' une centaine de francs et autant d' heures. Il est temps que les grimpeurs se persuadent que nos sommets appartiennent à la communauté, pour le service de la communauté, et ne sont pas la propriété exclusive d' une minorité!

Ainsi le totalisateur ne fournit pour 1917 qu' une indication de minimum, soit 236 cm d' eau du 24 septembre 1916 au 23 septembre 1917.

Il a reçu à cette dernière date une recharge de 6250 gr de neige, 5980 gr de chlorure de calcium et 430 gr d' huile de vaseline. Souhaitons que ce coûteux remplissage ne soit pas perdu une fois de plus.

Nivomètre de l' Eiger. La régularité de sa surveillance nous console des déboires du Diableret. J' en remercie le personnel du chemin de fer de la Jungfrau et son directeur, M. Liechti. Le tableau III résume leurs relevés, presque quotidiens:

Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m ).

( 2 degrés valent 1 mètre. ) Tableau III. ( 2 degrés vali ;nt 1 mètre. ) Degres Degres Bates 1915 1916 1917 2 1 38 55 11 46 52 60 20 48 52 50 Dates 1915 1916 1917 30 I 48 36 44 5 II 46 36 43 15 47 40 Tabi. Ili ( suite ).

Degrés Degrés Dates 1915 1916 1917 Dates 1915 1916 1911 5 III 48 56 38 1 VIII 22 26 16 15 48 58 46 15 19 22 12 5 IV 47 58 48 1 IX 19 24 4 23 44 58 54 15 23 24 4 5 V 40 58 51 1 X 23 30 5 20 38 58 37 16 18.5 34 15 5 VI 36 40 28 2 XI 14.5 46 25 21 28 54 22 15 18 50 32 30 26 44 20 28 31 52 35 15 VII 27 36 17 11 XII 24 50 36 25 25 26 16 31 28 54 36 Minimum absolu de 1916: 22 ( août ). Maximum absolu de 1917: 60 ( janvier ).

Minimum absolu de 1917: 4 ( septembre ).

Maximum et minimum absolus ont dépassé tous deux les valeurs de 1916, le minimum surtout. Ce dernier s' est étendu sur tout le mois de septembre.

Tableau IV. Maximums Dates Degrés Minimums Dates Degrés Amplitudes en mètres ( 2 degrés ) Décrue Crue

/ 9-15 1 60 AW123—26 IV 54

II et III 38 27 VIII—30 IX 4 H \ o 25/ 8 Le résidu automnal signifie une baisse considérable du collecteur, 9 mètres, par ablation quelque peu sans doute, mais par affaissement surtout.

Tableau V. Accumulation Hiver mitres Dissipation EU Mètres Résidu Automne Mètres 1914—1915 15 1915—1916 22 1916 — 1917 19 1915 18 1916 18 1917 28 1915 — 3 1916 -f 4 1917 — 9 Nivomètres de l' Aletsch. Les installations du Service des Eaux fédéral, dont M. le directeur Collet veut bien confier à ces rapports les résultats intéressants, n' ont pu être contrôlées qu' une fois, par M. l' ingénieur Lütschg, en octobre, dans d' assez mauvaises conjonctures, et toutes les échelles n' ont pu être observées. Le 18 octobre le nivomètre Grüneck I marquait un résidu sur 1916 de -j- 3.3 m, Grüneck II de -f- 1 m et Trugberg I de 0 m ( voir pour les emplacements les rapports de 1915 et de 1916 ). Le nivomètre du Strahlhorn, au lac de Märjelen, a indiqué un résidu de -f- 1 m.

Ces résidus, positifs, semblent tous imputables au réenneigement qui avait commencé avec le mois d' octobre. Quant aux totalisateurs de la région ils ont emmagasiné: Concordia ( 2850 m ), du 13 octobre 1916 au 18 octobre 1917: 217 cm. Eggishorn ( Hôtel, 2195 m ), du 13 octobre 1916 au 20 octobre 1917: 156.6 cm.

Groupes nivométriques de la Commission zurichoise des glaciers. Cette commission a travaillé activement à élucider les causes des différences existant entre l' alimen et la précipitation chez les glaciers. Ces divergences, auxquelles on doit s' attendre d' ailleurs, sont très variées, et il s' écoulera du temps avant qu' on puisse assigner leur part respective aux divers agents, balayage par le vent, infiltration, imperfection des mesures ( spécialement des totalisateurs ), et enfin, „ last not least ", evaporation de la surface glacée. M. Billwiller poursuit sur ce dernier point de très intéressantes recherches. L' emploi de la vieille méthode de prélèvement d' échan du névé pour en déterminer la valeur en eau, perfectionnée par Church ) et la Z.G.K., rend des services toujours plus précieux. Il importe d' en user le plus tôt possible pour obtenir des normes de densité du névé qui puissent à la rigueur dispenser du sondage dans certains cas, car l' appareil de Church est assez onéreux et encombrant quoique excellent d' ailleurs.

Clarides. Ce groupe a reçu de fréquentes visites. Notre collègue M. de Quervain n' y est pas monté moins de trois fois. MM Dieterle, Billwiller, Römer et Auguste Piccard s' y sont succédé aussi. Ce zèle a été récompense, entre autres, par la récupération de l' ancienne balise à 2960 m, perdue par enfouissement dès l' au 1906. M. Piccard a pu de la sorte déterminer le degré de tassement de la pénultième tranche annuelle du névé, grandeur dont je soulignais l' importante pour l' emploi correct des balises dans le Rapport de 1916. La dite couche s' est comprimée d' environ 0.6 m pendant l' année suivante.

A la balise inférieure ( 2700 m ) l' enneigement a atteint un maximum, compté depuis le 15 août 1916, de 470 cm le 13 décembre, puis un minimum de 5 cm le 26 septembre 1917. Le résidu annuel a été presque nul et la limite temporaire du névé est donc remontée à 2700 m dans le massif des Clarides.

Les contrôles de la balise supérieure ( 2960 m ), combinés avec les mesures à la sonde de Church, ont donne, du 15 août 1916 au 8 août 1917: 300 cm en neige et 175 cm en eau.

Le totalisateur du Geißbützistock ( 2720 m ) a recueilli 335 cm d' eau pendant ce même laps de temps, et il en est tombé 177 à Auen-Linthal.

Silvretta. MM. Billwiller et J. Hess ont fait les contrôles de ce groupe qui comprend deux balises itinérantes et un totalisateur. Voici les résultats, résumés:

Enneigement en cm depuis le 5 août 1916.

Dates Balise sur le névé ( 2760 » ) Balise sur le col ( 3013 » ) 5 août 1916 0 0 11 mars 1917 ( Maximums observés ) 305 380 7 septembre 1917 ( Minimums observés ) —40 245 Les résidus pour l' ensemble de la période ont donc été —40 cm à 2760 m et + 245 cm à 3013 m. La limite du névé est montée au dessus de 2760 m en automne.

Comme celles des Clarides, ces mesures font ressortir l' intérêt qu' il y a pour la glaciologie à faire les opérations de contrôle en septembre et non en août déjà. Je ne me lasserai pas d' insister là-dessus.

MM. Billwiller et Hess ont eu la bonne fortune, au cours de leurs sondages à la balise inférieure, d' atteindre la surface colorée de 1915 et de déterminer ainsi le tassement de la pénultième tranche annuelle du névé. Elle n' avait plus, le 7 septembre 1917, que 125 cm d' épaisseur au lieu des 200 cm, qu' elle mesurait le 5 août 1916.

Le totalisateur ( 2400 m ) a recueilli 187 cm d' eau, du 5 août 1916 au 8 septembre 1917; à Klosters il y en a eu 151cm.

Glacier du Rhône. La Commission suisse des glaciers ayant fait sienne une proposition de M. de Quervain de répéter au Grand-Névé du Rhône, les relevés nivométriques pratiqués ailleurs, ces opérations ont été faites conjointement par MM. Leupin et de Quervain, délégués par les Bureaux topographique et météorologique fédéraux.

Du 5 août 1916 au 23 août 1917 le résidu d' alimentation a été sur le profil supérieur du Grand-Névé, à 2960 m, de 255 cm en neige et 145 cm en eau. Le totalisateur du Thülistock a emmagasiné 220 cm d' eau pendant*le même temps.

L' enneigement au Säntis et au St-Gothard. Les mesures que le Bureau météorologique central fait faire au Säntis et au St-Gothard depuis si longtemps ont fourni les constatations suivantes:

Au St-Gothard ( 2100 m ) l' enneigement a atteint le 19 janvier 1917 un premier maximum, un second le 16 mars et enfin le maximum absolu annuel, 542 cm, le 27 avril. Le 22 juin le sol était à nu de nouveau.

Au Säntis ( 2500 m ) le premier maximum a eu lieu le 15 décembre 1916, le second le 19 janvier 1917, le troisième le 27 avril. Le 22 juin il restait encore 15 cm de neige sur le terrain.

Conclusion. En 1917 l' enneigement a été nettement régressif. Ceci est dû pour une part à l' ablation très forte des neiges par le soleil, pour une autre part, et peut-être la plus grande, à l' affaissement des collecteurs glaciaires surchargés l' année précédente.P.L. M.

CXXVIII. Chronique des glaciers suisses en 1917.

Sous l' impulsion vigoureuse de l' Inspectorat fédéral des Forêts les mensurations glaciaires par les agents forestiers cantonaux ont repris, en 1917, l' ampleur souhaitable. L' intérêt éveillé par les symptômes récents de crue y est pour une part aussi et nous a valu la collaboration bienvenue d' institutions officielles et de particuliers dont les observations portent à 70 le nombre des glaciers contrôlés. Ce chiffre relativement élevé ne représente pourtant pas — ayons garde de l' oublier — 15 % des appareils suisses, et parmi les glaciers laissés sans surveillance il en est de tout premier ordre, ceux de Bagnes, par exemple, qu' il faudra bien une bonne fois se résoudre à mensurer. Le chroniqueur les a visités et photographiés en 1917 et se propose d' y revenir, mais il serait heureux d' obtenir l' appui de quelques collègues' alpinistes pour leur observation.

Le Département valaisan des Travaux publics et le Service fédéral suisse des Eaux se sont occupés conjointement du glacier de Giétroz, qu' il est prudent de ne pas abandonner en temps de crue possible. M. de Preux, ingénieur cantonal du Valais, a fait poser des repères au front même du glacier, et le chroniqueur, agissant pour le Service fédéral des Eaux, a exécuté en août avec l' aide de M. Gaschen, étudiant à Lausanne, un levé sommaire du cône d' éboulis glaciaire du Mauvoisin, alors très grand.

Le Service fédéral des Eaux a poursuivi ses travaux de surveillance des glaciers d' Allalin et de Schwarzenberg ( vallée de Saas ) et fait également prendre, à intervalles réguliers, des vues photographiques du glacier Supérieur du Grindelwald, en crue décidée. M. Jules Guex ( Jaman ) a continue ses contrôles du glacier de Trient et M. Thomas ( Salève ) a repris celui du glacier de Morning. Le chroniqueur a placé des repères devant celui de Lämmern ( Wildstrubel ) et développé l' organisation de surveillance du glacier d' Orny. Enfin, les mensurations au glacier' du Rhône ont été exécutées, selon le programme usuel, par M. Leupin, du Bureau topographique fédéral, pour la Commission suisse des glaciers. La Commission glaciologique zurichoise ( Z.G.K. ) a fourni aussi sa contribution en ce qui concerne le massif des Clarides et MM. Alb. Heim et Fierz-David ( Zurich ) ont recueilli des renseignements utiles sur divers appareils. Je remercie ici tous ces collaborateurs.

Voici, dans la. forme habituelle, le résultat des contrôles.

I. Bassin du Rhône.

Tableau VII.

Variation s, en mi' Ares, en Variata ms, en mètres, en Glaciers 1915 1916 1917 Glaciers 1915 1916 1917 Rhône

+

15 4 Mont-Fort 0 0 — 4 Fiesch — 11 7 3 Grand Désert — 20 13 — 15 Aletsch — 6 — 30 — 5 Giétroz —

+

+

Lb' lschen — 3 — 1.5 Valsorey — 1.5 — 7.

6 0 Kaltwasser — 3.5Saleinae — 11.5 17 28 Fee —

+

— Orny —

+

— 2.« Allalin — 4.5 2 Trient 0 15 26 Schwargenberg —

+

+

Paneyrossas -36 10 0 Holiwang — :..;

4-

+

Martinets 16 8 4 Gorner — 6 - 9.S — 7.5 GrA Plan-lSévé — 5 —

+

Turlmann — 5.5 4 — 21.5 Petit Plan-Névé 4.5 2 2 Morning ( 1915-191713 Dard

4-

30 ( 2 ) Durati ( Tsinà123 — 13.5 — 42 Scex Bouge 5 3 — 6.5 Ferpècîe — 8 6 — 12 Prapios — 4 13 — 12 Àrolla — 3 — 5 — 6 Tsanfleuron — 8 — 3 — 5 Tsigiorenove 22 25 18 Du 7 août 1916 au 24 août 1917 le front du glacier du Rhône a avancé de 4 mètres, mais ce n' est là qu' une moyenne; en réalité il y a eu crue au côté droit du front et décrue, mais plus faible, au côté gauche. Le glacier a conquis 4130 m2 de terrain. Dans la partie supérieure de son cours il n' a guère varié d' épaisseur, mais sa vitesse superficielle a augmenté de 2—4 °/o. Sur le bord gauche *du glacier, sous le Furkahorn, où le sentier longeait un temps la glace avant d' y aboutir, une petite moraine latérale s' est développée. Faite de gros blocs entassés ;Sans ordre apparent et qui avaient protégé la glace sous-jacente contre la fonte, elle saillait, en août 1917, de deux à trois mètres sur le niveau de la surface glaciaire voisine. Sa longueur atteignait plusieurs hectomètres. Elle obstruait par-.tiellement le sentier. ( Leupin. ) Cette moraine est, selon toute apparence, un reliquat de la vague de glace qui, en 1916 encore gonflait le glacier dans ces parages et noyait le repère du Belvédère. ( Ce repère a émergé de nouveau en 1917 par suite du rétrécissement du glacier dans cette section. ) L' apparition de cet accident confirme le chroniqueur- dans son sentiment que la formation des moraines des glaciers est un phénomène essentiellement discontinu, justiciable, comme l' auto des torrents par leurs propres alluvions, du régime même de crue. L' espace fait défaut ici pour développer congrûment ce point de vue.

Le bras du glacier de Morning qui descend de l' arête NW du Besso s' est allongé de 13 mètres de 1915 à 1917. ( Thomas. ) Au glacier de Findelen, à la jonction de l' Adlerpass avec le Schwarzenberg-Weisstor, M. Fierz-David a vu une couche de glace, épaisse d' une quinzaine de mètres, en passe de s' étaler sur la vieille surface glaciaire. Cette lame n' y était sûrement pas en 1904. Cet épaississement a progressé de quelque 250 m vers l' aval, depuis 1916. D' après le même correspondant le glacier de Hohwang a poussé, de 1916 à 1917, vers le chemin du Schönbühl une langue d' une centaine de mètres de longueur. En août 1917 le glacier déchargeait continuellement des blocs par dessus les rochers où il s' appuie.

Le saillant sud-oriental du front du glacier d' Allalin était, le 10 juillet 1915, à 30 mètres d' un bloc-repère; le 8 juillet 1916 il n' en était plus qu' à 10 mètres; le 16 juin 1917 le glacier bousculait le bloc, et le 1er octobre de la même année il l' avait chassé de 6 mètres devant lui. Le saillant nord-oriental du front a avancé de 18 mètres du 17 juin au 1er octobre 1917. Au printemps 1916 le glacier recouvrait la Viège sur 27 mètres de son cours; l' été la dégagea de nouveau, mais l' en reprit en 1917. La glace dressant ici de nouvelles moraines, débordant là d' anciens dépôts, s' est avancée en refoulant le cours de la Viège, et le 1er octobre 1917 elle le recouvrait sur une longueur de 135 mètres * ). ( Lütschg. ) La langue du glacier de Giétroz présentait, à la mi-août, des symptômes de gonflement; des blocs de glace blanche s' étaient éboulés sur la glace souillée de son flanc gauche. Le cône du Mauvoisin, très vaste, dominait la Drance de 70 mètres et la recouvrait encore partiellement. J' ai cru pouvoir ranger encore le Giétroz dans la catégorie des glaciers en crue.

Le glacier du Montduran présentait vers 2600 m. un épanouissement avec refoulement de ses moraines médianes vers les rives qui y fait soupçonner le passage d' une vague d' intumescence en cheminement vers l' aval. ( Mercanton. ) Le glacier de Breney présentait, à quelque cinq cents mètres de son extrémité et quelque 2650 m d' altitude, un talus brusque offrant toutes les apparences d' un front de vague d' écoulement glaciaire. Ce talus chemine-t-il vers l' aval? l' avenir le dira.

Le glacier d' Orny a grandi au milieu, mais son lobe gauche a reculé davantage encore. ( Mercanton. ) Le glacier de Trient a fait sa plus forte crue depuis un quart de siècle: 2j> mètres. ( J. Gnex .) yIL Bassin de l' Aar.

Tableau Vili. Variations, en mètres, en Variations, en mètres, en Glaciers 1915 1916 1917 Glaciers 1915 1916 1917 Stein' 9 14 ,12.

läger 0 14 6 Unteraar — 12 —11 —7 Blümlisalp 10 0 5.6 Grindekvald sup.30* GamcU 12—3 29 „ inf.40 —70* Wildhorn —55 —57 * 23 février 1918.

Le glacier de Stein non seulement refoule devant lui une moraine, mais encore pousse en divers points la glace même de son front en porte-à-faux par dessus le rempart ainsi nouvellement créé. Les fragments de glacier mort qu' il vient à rencontrer sont, d' autre part, simplement recouverts, mais pas entraînés. ( Alb. Heim. ) Le front du glacier Inférieur du Grindelwald, dans la gorge de la Llitschine, a encore reculé considérablement. Celui du glacier Supérieur n' a cessé d' avancer sur tout son pourtour et il a entassé une nouvelle moraine devant sa moitié gauche. Ses glaces envahissent des espaces déjà recouverts de végétation arbustive; en même temps le talus d' éboulement que le glacier forme sur la moitié droite de son front, s' appuyant toujours plus haut à la paroi, réduit de jour en jour davantage la fenêtre par laquelle on aperçoit le roc nu. Le glacier a conquis, de 1912 à 1917, plus de trois hectares de terrain.

Le glacier du Wildhorn a reculé en 1917 autant qu' en 1916. Cette décrue persistante infirme de plus en plus la donnée, que le précédent rapport mettait déjà sous caution, d' après laquelle le glacier aurait subi, de 1913 à 1915, une avance de 117.5 mètres.

III. Bassin de la Beuss.

Tableau IX. Variations, en mètres, en Variations, en metres, en Glaciers 1915 1916 li ) 17 Glaciers 1915 1916 1917 Kartigel —4.5 1 —12 Brunni —32.6 —6 —17 Wallenbühl — 3.o2 Griessen 0 —31 Kehlefèrn 38 31 Firnälpeli orientalj1 Schlossberg(Erstfdd ) 0 0 0 Firnàlpeli occid. 11 3 Hüfi —23 —1.5 23.5 IV. Bassin de la Linth.

Tableau X. Variations, en mètres, en Glaciers 1915 1916 1917 Variations, en mètres, en Glaciers 1915 1916 1917 Suis ( 1913 —1716 Fo«rô(1911 —171.5 Biferten(1211-1188 Rötifirn postérieurf- CZarafes(1911-1739.5 Geißbützifirnf- Le glacier de Biferten déchargeait des glaces au bas de sa paroi rocheuse et créait ainsi au pied de celle-ci un glacier régénéré. ( Heim, Billwiller, Hess. ) Le Rötifirn postérieur est en passe de se souder par le haut au Bifertenfim; il obstruait déjà l' ancien sentier de la cabane du Grünhorn. Le Geißbützifirn est en crue vers l' Obère Sândalp. ( Billwiller, Hess. ) V. Bassin du Rhin.

Tableau XI.

Variations, en mètres, en Glaciers 1915 1916 1917 Lenta 11 22 7.5 Punteglas12 Lavaz1.b —13.5 Porchabella1.5 — Zapport — 5 15 Paradies —14 10 Tambo 1 7 Piz Sol — 5.5 4.5 — 0.5 Sardona — 6.5 5 Silvretta 0 Segnes0 VI. Bassin de l' Inn.

Picuogl —II.5 Lischanna — 2.5 3 Morteratsch —11.5 —6 Roseg — 19.5 56 Schwarzhorn7 VII. Bassin de l'Adda.

Palü12 — Forno14 VIII. Bassin du Tessin.

Muccia —13.5 12 — 7.5 Rossboden 26 13.5 15 Rotondo ( de 1913 à 1916 ) ( 43.5 ) —26 Basodino .2.5Bresciana ( de 1913 à 19173.5 Le glacier de Rotondo a fortement reculé en 1917. De 1913 à 1916 il avait avancé. Cette avance durait-elle encore en 1916? Je n' en sais rien.

La crue du Forno a eu pour conséquence le jaillissement inopiné à la surface du glacier d' un bourrelet de glace, en arc sensiblement concentrique au pourtour du front et saillant de 2 à 4 m. Cet accident se voyait à peu de distance en amont du front. ( Heim. ) Il me parait, comme à M. Heim, être un effet du laminage de certaines couches de glace, écrasées entre les masses d' aval immobiles et la vague de crue d' amont. Cela fait penser aux apparitions de glace blanche, si fréquemment observées à la surface des grands glaciers de l' Alaska, lors de leurs récentes crues et qui crevaient l' épais revêtement morainique étalé sur l' appareil, ou bien encore aux surrections de glace observées par Bullock-Workmann aux confluents des grands glaciers himalayens et qui découpent les moraines médianes en files de gigantesques pyramides de glace.

Le tablean XII récapitule les contrôles de 1917. J' y ai maintenu la tripar-tition de Forel en variations douteuse, probable et certaine, distinction commode, bien qu' assez arbitraire en cas de changements de longueur accentués.

Tableau I. Récapitulation pour 1917.

Bassins Nombres de glaciers En cru Statimi. Mir« En décrue Observés certaine probable douteuse douteuse probable certaine Rhône.

6 4 4 2 8 5 29 Aar

3 — 22 1 8 Beuss

1 1 l 1 2 1 o 9 Linfli

5 — 16 Rhin

1 2 1 1 2 1 — 8 Inn

— 2 1 — 1 1 — 5 Adda

11 Tes sin.

134 Totaux...

12 9 14 4 18 5 8 70 Proportion °/0 1917 17.1 12.9 20.0 5.7 25.7 7.2 11.4 100.o 50.0 44-31916 17.5 4.8 41.2 7.9 ll.i 3.2 14.7 100. » En résumé, de 100 glaciers il y en avait en:

191663.6 en crue, 8 stationnaires, 28.5 en décrue.

191750644. Aussi donc la tendance à la crue, manifeste depuis 1914, si accusée en 1916 chez la plupart des glaciers suisses, semble avoir fait place en 1917 à la tendance contraire.

L' examen détaillé des tableaux montre en réalité que tout s' est passé comme si une influence générale, étendue à tout le revêtement glacé de nos Alpes, avait paralysé le développement du régime de crue, enrayant l' avance des glaciers les plus actifs et faisant régresser le front des autres. En sorte que de nombreux ap>- pareils inscrits sous la rubrique „ en crue douteuse " ont dû repasser sous celle de „ décrue douteuse ", tandis que le nombre des glaciers stationnaires n' a guère changé.

Le grand coupable paraît être ici le soleil. Forela insisté à plusieurs reprises sur l' importance du facteur „ ablation estivale " dans la question des variations glaciaires. Dès 1901 il faisait intervenir l' influence de quelques étés chauds pour expliquer l' arrêt subit de certaines crues et la simultanéité de certains maximums d' extension ( 1856 et 1893 notamment ). En 1908 il montrait que les variations des températures estivales avaient, depuis quelque quatre-vingts ans, remarquablement concordé avec les variations de longueur des glaciers alpins. Récemment M. Maurer2 ), directeur du Bureau météorologique fédéral, a émis l' idée que, plus encore que la température de l' air, l' insolation constituait ici le facteur principal et que sa prédominance de 1856 à 1912 expliquait suffisamment la décrue persistante des glaciers pendant cette période.

Les faits de 1917 semblent donner raison à notre collègue zurichois: les mois d' été ont été exceptionnellement ensoleillés dans la haute montagne. Certains sommets ont eu plus de 2000 heures de soleil! Cette insolation formidable a dû amortir, voire anéantir complètement bien des vagues de crue en cours de descente vers le front du glacier. Peut-être aussi que les possibilités de crue étaient de toute façon déjà épuisées pour beaucoup d' appareils par l' arrivée à leur front de vagues de glace insuffisantes à alimenter longtemps la progression. L' avenir dira quelle explication était juste. Pour l' heure il est impossible de rien pronostiquer. Remarquons seulement que de nouveaux tassements viennent de se manifester dans les collecteurs glaciaires, présages de nouvelles poussées vers l' aval et que d' autre part, si la longue périodicité des grandes crues, indiquée par Mougin, 106 ans, existe bien, c' est vers 1824 seulement que le maximum absolu de la progression serait atteint chez les glaciers de nos Alpes.

On ne saurait faire mieux en attendant que de multiplier les mensurations. Que les clubistes nous y aidentP.L. M.

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